La traduction en poésie

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« La traduction en poésie » : voilà qui semble une contradiction irréconciliable ! En effet, la poésie est souvent réputée intraduisible par essence. Ne dit-on pas « traduire, c’est trahir » ?
Tenter de traduire de la poésie, n’est-ce pas forcément l’amputer de ce qui fait son charme et sa puissance d’intensité et de mélodie ?

Car au premier abord la musicalité propre au langage poétique a tout l’air d’être profondément liée au génie particulier de la langue dans laquelle elle s’exprime.

Pour y voir plus clair dans ce dilemme, on vous propose dans cet article un tour d’horizon en trois volets : nous identifierons d’abord les spécificités de la traduction en poésie, avant de lister les pièges à éviter, les conseils à suivre au contraire, et pour terminer, nous verrons ce que la traduction en poésie nous apprend sur les enjeux de la traduction en général.

Les spécificités de la traduction en poésie

Quelles sont les spécificités de la traduction en poésie ?
On peut dire qu’elles se classent dans deux grandes catégories : les spécificités sur le fond d’une part, et les spécificités sur la forme d’autre part.

Tout d’abord, les textes poétiques se caractérisent par des traits formels bien distincts.
La majorité des volumes poétiques produits, toutes époques confondues, respectent en effet des règles métriques.

Ces règles métriques régissent aussi bien la longueur du vers (12 syllabes pour l’alexandrin, 8 syllabes pour l’octosyllabe…) que la taille des strophes (distiques, tercets, quatrains ou quintils) ou encore la richesse des rimes (rimes pauvres, suffisantes ou riches).

Cette disposition régulière sur la page fait partie intégrante de l’identité du poème, on peut donc légitimement attendre que cela se retrouve dans le texte en langue cible.
La taille des strophes est un élément souvent aisé à conserver.

En revanche, comment envisager la traduction de rimes riches (plus de trois syllabes en commun entre les vers concernés), sans que le résultat ne sacrifie le sens au son ?
Parfois, notamment lorsque les langues sont éloignées entre elles, il n’existe aucun équivalent rimique dans la langue cible.

Respecter la longueur du vers est aussi une contrainte qui peut vite virer au casse-tête pour le traducteur : il faut alors tordre la syntaxe, intervertir des synonymes relatifs dans la langue cible pour parvenir à cet objectif.

Pourtant, l’alexandrin, par son rythme binaire très équilibré, résume à lui seul tout l’esprit du classicisme français, tandis que l’octosyllabe, plus court et plus humble, est emblématique de la littérature orale médiévale.

Il paraît donc essentiel de conserver cette métrique originelle pour ne pas dénaturer le poème et sa dimension historique et culturelle.On pourrait croire que les poèmes modernes échappent à cette contrainte des règles métriques strictes.

En effet, depuis la révolution du vers libre instiguée par Guillaume Apollinaire au début du XXè siècle, de nombreux poèmes ont tourné le dos à la tradition poétique, et ne se composent plus que de vers irréguliers, parfois même irrégulièrement disposés sur la page.
Dans ces conditions, la traduction peut sembler plus facile.

Cependant, l’absence de régularité est trompeuse : elle cache souvent un travail minutieux de mise en forme, un « faux désordre » en réalité très étudié, et aussi difficile à rendre dans la langue cible qu’un poème en strophes et en vers réguliers.

Cette difficulté sur la forme est déjà considérable, par rapport à la traduction d’un texte en prose. Mais les spécificités de la traduction en poésie se révèlent tout aussi importantes… sur le fond.
En effet, le propre du langage poétique est la polysémie.

C’est-à-dire que la poésie est le genre littéraire qui porte le langage à son plus haut degré d’intensité, qui déploie le plus les capacités sémantiques et imaginaires de chaque mot et de chaque écho des mots du poème entre eux.

La tâche est, par conséquent, particulièrement ardue pour le traducteur, puisqu’il s’agit non seulement de restituer le sens principal d’un mot dans la langue cible, mais bien de retrouver cette épaisseur de sens propre à la poésie, et donc de trouver le moyen de transférer plusieurs sens inhérents à un seul mot dans la langue cible.

Or, les langues ne découpant pas toutes le réel de la même manière, le travail du traducteur en poésie demande à la fois érudition et sensibilité.

Les pièges à éviter

Quels sont les principaux pièges à éviter dans le cas de la traduction en poésie ?
De toute évidence, la première erreur serait de vouloir réduire les coûts et les délais au point de confier la traduction en poésie à des logiciels de traduction instantanée.

Certes, les logiciels de traduction automatique ont fait des bonds de géant ces dernières années, grâce à l’apport de l’intelligence artificielle et de son corollaire en traduction : le « deep learning ».
Mais ils n’atteignent pas la sensibilité et la conscience active de la langue et de ses multiples potentialités, telles qu’on peut les trouver uniquement dans une lecture humaine.

La traduction serait sans doute intelligible, mais perdrait vraisemblablement tout ce qui fait indubitablement le caractère poétique d’un texte : assonances, effets rythmiques, anaphores…
L’autre écueil à éviter, serait d’opter pour une traduction littérale.

Même réalisée par un professionnel érudit, ce type de traduction risquerait fort de dénaturer profondément le texte poétique, en bouleversant totalement son rythme et en développant en périphrases anti-poétiques des mots qui étaient simples, percutants et harmonieux dans la langue source.

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Source : pixabay.com

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Les conseils à suivre pour traduire une poésie

Mais alors, que faire ? Comment réussir le défi de la traduction en poésie ? Toute la difficulté est d’être relativement fidèle au texte d’origine, tout en habitant les potentialités poétiques et rythmiques propres à la langue cible, parfois très éloignée de la langue source.
Il va sans dire que le recours à un traducteur professionnel est fortement recommandé, vu le niveau de difficulté de la traduction en poésie…

D’abord, parce que la traduction en poésie requiert un excellent niveau lexical, compte tenu de la recherche de vocabulaire souvent très poussée en poésie, du fait des textes courts et intenses.
Ensuite, il est conseillé de choisir un traducteur natif : en effet, il sera plus à l’aise, quel que soit son niveau de certification linguistique et universitaire par ailleurs, pour sentir intimement si tel rythme, telle construction syntaxique est fluide ou non dans la langue cible.

Enfin, il faut avoir conscience que la traduction en poésie exige de grandes capacités non seulement techniques mais… artistiques. Oui, vous avez bien lu.
C’est d’ailleurs un domaine spécifique dans l’univers de la traduction : la transcréation. Il s’agit de recréer un message dans la langue cible, quitte à s’éloigner du sens littéral de la langue source, mais tout en gardant son esprit essentiel.

Un sacré défi, en somme ! Ainsi, le processus de traduction se double d’un véritable travail de réécriture poétique. Un exemple frappant à cet égard est la succession de traductions de La Divine Comédie de Dante.

Ce célèbre long poème, écrit en italien au XIVè siècle, est finalement mieux connu aujourd’hui qu’à son époque et ce, grâce à des traductions souvent on ne peut plus « infidèles ».
Certaines des traductions de Dante ne respectent pas sa structure en « tierces rimes » (tercets avec un entrelacement complexe de rimes d’une strophe à l’autre).

D’autres respectent la tierce rime mais modernisent considérablement le vocabulaire.
Certains vont même beaucoup plus loin dans le processus de transcréation : ainsi, Antoine Brea a publié en 2016 un étonnant Dante en vulgaire parlure.

Il y part du principe que la langue de Dante est énergique, et la retranscrit librement en langage très familier.
Même si un professionnel peinerait à reconnaître à ce dernier ouvrage le statut de traduction véritable, cela illustre bien le processus créatif qui est à l’œuvre au cœur de toute traduction de poésie.

Traduire de la poésie, c’est réécrire, et c’est créer tout court.
Finalement, le grand nombre de traductions diverses (littérales, formelles, libres, annotées ou pas avec un appareil critique…) et souvent renouvelées montre surtout le caractère inspirant du texte source, qui traverse les époques et suscite des envies de réinterprétation.

traduction en poésie
Source : pixabay.com

À lire aussi : Comment traduire une œuvre d’art en respectant son originalité ?

Ce que la traduction en poésie nous apprend sur la traduction en général

Enfin, le processus de traduction en poésie peut nous en apprendre long sur la traduction en général.
Avant tout, la traduction en poésie nous rappelle la part irréductible d’intraduisible au cœur de toute langue par rapport aux autres langues.

Faut-il tout de suite baisser les bras, déclarer que rien ne peut être traduit et ne rencontrer, partant de là, que les poèmes écrits dans sa langue maternelle ?
Ce n’est pas de l’avis des traducteurs de poésie professionnels, aussi érudits que passionnés.
En effet, le vrai message de la poésie n’est-il pas d’inviter son lecteur au partage et à la re-création, via une traduction de ce qu’il vient de lire ?

Par ailleurs, la traduction en poésie oblige à se poser une question fondamentale, mais qu’on peut éluder plus longtemps dans la traduction en prose.

Cette question est la suivante : que faut-il absolument garder, que peut-on au contraire adapter ?
Et cette question interroge le sens profond, le message fondamental du texte poétique à traduire : le sens tient-il à son lexique ? au ton singulier de l’auteur ? au rythme des phrases ? Autant de questions techniques et esthétiques à se poser avant même de commencer le processus de traduction en poésie.

Notre conseil

On l’a vu tout au long de cet article : la traduction en poésie est un véritable défi, tant sur le plan de la forme du texte que de son sens.

C’est pourquoi il est recommandé de confier la traduction de vos textes poétiques à des professionnels de la traduction, mais aussi de la transcréation, tels que vous les trouverez chez Traduc.com.