Comment traduire une histoire ? Bête comme chou, simple comme un jeu d’enfant, la traduction d’une histoire pour enfants ne l’est au fond pas tant que ça. En effet, les petits lecteurs constituent un public à part dans le monde de la littérature, et donc de la traduction.
Qu’est-ce que la littérature jeunesse ? Dans quel niveau de langue et dans quel style faut-il la traduire ? Toute traduction équivaut-elle à une trahison ? Ce sont les questions auxquelles nous allons répondre dans cet article ! Elles convergent toutes vers la question centrale, qui est de déterminer comment bien traduire une histoire.
- Traduction d’histoire pour enfants : quels enjeux ?
- Qu’est-ce que la littérature jeunesse ?
- Dans quel niveau de langue et dans quel style faut-il traduire ?
- Traduire une histoire en conservant l’aspect culturel
Traduction d’histoire pour enfants : quels enjeux ?
Les questions que soulève la traduction d’histoires rejoignent de vrais problèmes éducatifs de fond : faut-il un texte facile « à hauteur d’enfant », ou au contraire un texte plus littéraire, gardant ses aspérités, mais aussi son charme, au prix de l’incompréhension de son jeune lectorat ?
Sur un plan moins philosophique et plus pragmatique, la question de savoir comment traduire une histoire peut aussi avoir un fort impact culturel et économique. En effet, alors que les ventes de livres papier pour adultes subissent de plein fouet le tournant digital et un repli relatif de la sphère littéraire, la littérature jeunesse au contraire affiche une superbe santé. Elle s’est fait une place durable dans les librairies, dans les chambres et dans la mémoire des jeunes lecteurs. Il y a donc un marché passionnant et toujours en pleine croissance à conquérir.
Il va sans dire que la traduction en est la clé, puisqu’elle permet de rendre accessibles les textes d’auteurs étrangers et démultiplie ainsi les titres et les univers imaginaires disponibles.
Qu’est-ce que la littérature jeunesse ?
Avant de savoir comment traduire une histoire, arrêtons-nous déjà sur ce qu’a de particulier une histoire pour enfant.
Celle-ci doit être particulièrement lisible, surtout pour les histoires du deuxième âge, adressé à des enfants entre 4 à 6 ans. En effet, ceux-ci ne sont certes pas autonomes dans leur lecture (le « rituel » de l’histoire du soir consiste encore la plupart du temps à écouter un adulte leur lire l’histoire in extenso), mais ils sont en pleine période d’apprentissage de la lecture. Le texte doit donc être suffisamment clair pour être mémorisé d’écoute en écoute, voire déchiffré lors de certains passages.
Ensuite, l’intrigue doit prédominer et aller vite. Pas question dans une histoire pour enfant de se lancer dans une description interminable, dont un seul détail caché aura sa justification des pages plus loin ! Ce serait un moyen très sûr de perdre son lectorat. Non, au contraire : le texte doit aller vite et le récit dynamique doit être tendu vers son but.
Il en va des dialogues comme des descriptions : ceux-ci ne doivent pas interrompre trop longtemps le fil du récit, car les petits lecteurs s’impatienteraient.
Il y a aussi une réalité graphique, dans la littérature jeunesse, qui justifie cette primauté du récit. En effet, les illustrations, souvent de très belle qualité, y tiennent une grande place. Elles soutiennent le récit et « remplacent » des descriptions écrites, de même que l’expression peinte sur le visage des différents personnages est plus compréhensible que des dialogues très nuancés.
Enfin, il existe un dernier point typique des histoires pour enfants : les enfants les adorent, mais… ce sont les parents qui les achètent. Il faut donc obligatoirement plaire aux adultes et adopter un récit à double public. Alors, pas si simple finalement, les histoires pour enfant…
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Dans quel niveau de langue et dans quel style faut-il traduire ?
Style et niveau de langue dans la traduction
Les histoires qui font partie de notre patrimoine culturel national, et qu’on nous a lues pendant l’enfance, nous semblent l’évidence même. Nous sommes peu à maîtriser parfaitement le passé antérieur, mais nous savons tous que, dans « La Cigale et la Fourmi » des célébrissimes Fables de la Fontaine, cette dernière se trouva « fort dépourvue lorsque la bise fut venue » !
Faut-il tout simplifier en passant dans la langue cible, au prétexte de supprimer un archaïsme poussiéreux ? Soit le seul message compte, et on simplifie tout (par exemple, en passant toute l’histoire au présent), soit on trouve un équivalent littéraire dans un système des temps verbaux différent du nôtre. Même chose dans « tire la bobinette et la chevillette cherra » : un vrai casse-tête à traduire – mais cela vaut le coup d’essayer, ne serait-ce que pour retrouver la dimension poétique de cette « formule magique ».
Cette question du niveau de langue se pose aussi aujourd’hui, dans des histoires plus actuelles. Par exemple, dans Hugo l’Asticot, un des multiples albums de la série « Drôles de petites bêtes » écrite par Antoon Krings, ce personnage moqué par ses compères est décrit comme « maugréant, penaud, ridicule ». Faut-il crier au pléonasme et au goût déplacé des vieux mots ? Pas nécessairement : c’est une manière d’enrichir le vocabulaire du lectorat, d’autant que pour les plus jeunes, les superbes illustrations peintes sont là pour signifier par l’image ce qui reste de mystérieux dans les mots.
Antoon Krings a été primé par des prix décernés par des lecteurs enfants, et est traduit dans plus de 20 langues – signe que son style parfois « littéraire » ne déplaît pas !
La traduction des onomatopées dans une histoire
Dans les dialogues (courts la plupart du temps) des histoires pour enfants, on retrouve nombre d’onomatopées. Le hic ? Les onomatopées ne se traduisent pas telles quelles d’une langue à l’autre.
Un simple « aïe » français devient « autsch » en allemand. Ce genre d’apparents détails (mais qui conditionnent la bonne compréhension du texte par les enfants) nécessite donc un traducteur attentif, non seulement compétent linguistiquement, mais aussi suffisamment imprégné de la culture quotidienne du pays cible pour retranscrire le mot, le son le plus adéquat.
Genre grammatical et volume de mots dans la traduction d’histoires
Le genre grammatical pose question dans les histoires. Ne serait-ce que parce que les noms français ont deux genres (masculin, féminin), mais l’anglais un seul, et l’allemand trois (masculin, féminin, neutre). La traduction du genre des noms met donc le traducteur aux prises avec des représentations du monde différentes d’un pays à l’autre, même chez nos proches voisins : à lui de connaître assez finement l’une et l’autre culture pour les faire dialoguer le plus harmonieusement possible.
Il ne faut pas oublier non plus d’évoquer une contrainte technique très présente dans la traduction d’histoires pour enfants, du fait de l’omniprésence des illustrations : le problème du foisonnement.
En effet, le volume de mots peut baisser ou augmenter significativement en passant d’une langue à l’autre. Par exemple, l’anglais est plus concis que le français. C’est une contrainte que doit intégrer le traducteur pour que l’image et le texte cohabitent harmonieusement dans le texte traduit.
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Traduire une histoire en conservant l’aspect culturel
L’altérité culturelle des histoires à traduire
Après les questions techniques, abordons maintenant la question de savoir « comment traduire des histoires » sous un angle culturel. Pour le dire nettement : par nos choix de traduction, faut-il bousculer ou au contraire conforter le jeune lecteur-auditeur dans son cocon culturel et linguistique, le préservant de toute « étrangeté » ?
L’ethnocentrisme est l’option qui a prévalu dans les traductions (assez libres) du XXe siècle. La mode était à l’édulcoration des Contes de Perrault, dans la traduction et même dans l’édition en langue source. Les Contes de Grimm les ont d’ailleurs assez librement adaptés à leurs propres réalités culturelles. De son côté, « Pipi Langstrump » est devenue en français « Fifi Brindacier » pour éviter des consonances malheureuses.
Aujourd’hui, la pratique de la traduction d’un côté et la vision de la littérature jeunesse de l’autre ont mûri. Les deux visent à ouvrir les enfants à une forme d’altérité culturelle. En effet, l’idée est d’ouvrir tôt à de grands textes de la littérature, quelle qu’en soit la langue source, face à la mondialisation et à l’anglicisation hégémonique croissante des représentations culturelles.
Il est également question de préparer les enfants à des réalités quotidiennes différentes des leurs. Par exemple, le Grand livre des mots de Scarry propose des planches illustrées des objets de la vie quotidienne, des animaux, des métiers, des paysages avec le nom de chacun en trois langues. S’y côtoient sur la page de la table du petit-déjeuner beurre de cacahuètes, bretzels, bacon et baguette ! Un livre trilingue pour enfant qui est donc une réussite au point de vue de l’ouverture culturelle.
Le rythme du récit à traduire dans une histoire
Comment faire pour garder l’équilibre entre l’univers connu de l’enfant et une réalité culturelle et linguistique différente à lui faire découvrir ?
Le tout est de toujours garder le rythme du récit, certains invariants narratifs et psychologiques de telle sorte que le petit lecteur soit captivé et puisse s’identifier, compatir avec les personnages.
Une fois ces bases assurées par une traduction équilibrée, l’enfant est tout à fait capable d’assimiler une part d’exotisme : décalage de traduction entre « poisson rouge » français et « goldfish » anglais, plats inconnus, formule magique en langue étrangère, noms de lieux difficiles à prononcer…
En fait, ce sont toutes ces aspérités, résistant à la traduction mot à mot, qui donnent tout son relief au texte final en langue cible. Il saura être suffisamment limpide pour captiver son lectorat, mais aussi suffisamment fidèle au texte source pour garder une part de mystère.
Notre conseil pour traduire une histoire
Savoir comment traduire une histoire pour enfants requiert une solide expertise linguistique, mais aussi une bonne connaissance des cultures sources comme cible ainsi que de la psychologie enfantine.
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